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L’ANIMALITE EXPOSITION AU 200RD10

L’ANIMALITE

« Depuis qu’elle existe l’espèce humaine n’a cessé, grâce à l’utilisation de techniques appropriées, de prendre ses distances avec la nature. Une ère du post humain se dessine marquant l’emprise du mécanique sur le subjectif grâce à l’emploi des technologies génétiques. Ce processus est en marche. » R. Galle

Les artistes présentés sont : Jean Michel Bruyère - Raymond Galle - Alphons Alt - Bernard Pourrière - Francois Mezzapelle - Camille et Manolo (Théatre du Centaure)

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La question posée ici à propos de la part animale de l’homme est : quelle est l’animalité de ce que certains appellent encore l’art ? Y-a-t’il une continuité entre l’oiseau tisserand vanier, l’insecte bâtisseur, la galerie de la taupe et celle de l’artiste ? Est-ce l’animalité des gens qui les pousse vers les oeuvres attractives ou répulsives, conçues, exhibées par des artistes qui “s’exposent” en des parades assimilables aux parades de séduction animale ? L’artiste qui se définit lui-même en tant que tel nous promène t’il dans sa nature ou dans sa culture qu’il croit souvent avoir sécrétée ? Et si le secret résidait dans le fait que la culture elle-même prend racine chez les animaux qui précèdent l’homme ? L’oiseau n’apprend-il pas à chanter, ne transmet-il pas son chant à ses enfants par l’apprentissage ? Alors ! où finit l’animal, où commence l’homme ? Est-ce encore une bonne, une vraie question au 3ème millénaire ? L’artiste aurait-il des réponses ? Ne soulève-t’il pas plus de questions par ses réponses ?

On répondra à tout cela, oui, mais l’homme invente, détourne, bricole, par l’art, la science et les technologies, l’héritage naturel. Est-on si sûr que l’animal n’en soit pas capable lui aussi ? Les punaises, les millepattes, les araignées, naturellement équipés d’organes sexuels viables se perpétuent, se reproduisent sans les utiliser et mettent en oeuvre des déviations inventives, que Sade n’aurait osé imaginer, pour améliorer le rendement de la reproduction de l’espèce. Alors, où finit l’animal, où commence l’homme ? Et si nos fantasmes, nos fantasmagories, nos chimères mythiques projetées par les artistes dans leurs oeuvres prenaient leurs racines dans ces archaïsmes animaux comme certains psychiatres et psychanalystes l’avancent aujourd’hui ? La question de l’animalité est elle bien posée ? Posée par qui ? L’artiste ? Le scientifique ? Qui oserait poser la question inverse : celle de l’humanité de la punaise, de la taupe ou du cheval, fut-il présenté sous forme d’un centaure ? Aurait-elle un sens ? C’est peut être la certitude de l’irréversibilité du temps et l’engrenage historique de l’évolution des espèces animales qui lui en donne un !

Dans “la métamorphose”, c’est Kafka qui retourne au cloporte en une vision fulgurante d’artiste alors que c’est le cloporte qui va vers Kafka, mais il y met le temps derrière lui, quelques milliards d’années. Quant aux mythes de l’animalité, pour ne pas dire de la bestialité, ils prennent sans doute naissance dès l’émergence de l’homo sapiens, faible et démuni, qui doit surpasser l’animal pour survivre, se nourir et se défendre. La peur de la férocité les domine souvent. Ainsi le pauvre Actéon partant à la chasse avec ses chiens, qui surprend la belle Artémis, vierge sévère et cruelle en son bain. Elle l’asperge d’eau et le métamorphose en cerf. Il est alors dévoré par ses chiens. Pourtant Artémis est l’amie du centaure Chiron né des amours de Saturne qui séduit, déguisé en cheval, la nymphe Océanide Philyre. Ils chassent souvent côte à côte et Artémis apprécie les connaissances du Centaure en botanique et en astronomie. Artémis deviendra pour nous l’Artémisia ou absinthe et le centaure la centaurée ou bleuet. Un autre centaure, Nessus, prend sur son dos la belle Dejanine pour lui faire passer le fleuve Evenus mais Hercule le tranperce d’une flèche et il meurt sur l’autre rive en déposant Déjanine libéré. Dans les mythologies, la confrontation animal / humain est souvent ambigue. Elle est abondamment représentée dans l’art pictural et sculptural depuis la plus haute antiquité. De même Pan, mi homme, mi bouc, surgissant d’un buisson ( Bush) fait “ paniquer “ le monde. On est là dans le domaine de l’hybride, de la chimère, de l’animal fabuleux comme Pégase, la licorne, le sphinx, le diable, etc... Ce monde chimérique qui probablement véhicule la peur des premiers bergers du néolithique nous a été transmis par les artistes.

Au 20e siècle, la confrontation se fait plus brutale, plus frontale. C’est le cas de Joseph Beuys, cet artiste allemend qui, dans une galerie américaine se fait enfermer pendant une semaine face à un coyotte vivant, sous le titre “ j’aime l’Amérique et l’Amérique m’aime “. Difficile d’aller plus loin dans la confrontation artistique homme / animal. Il est probable que cela se fera différemment au 3e millénaire avec les organismes génétiquement modifiés. N’a-t’on pas, avec Eduardo Cac, artiste américain, assisté en 2002 à la naissance de lapins fluorescents verts en lumière ultraviolette, effet obtenu par l’injection de gènes de méduse codant pour une protéine flourecente verte mise en oeuvre chez les cephalopodes dans leurs parades séductives. La métamorphose n’est elle pas chez les plasticiens une pratique courante depuis la nuit des temps même si, à chaque fois, les religions, la morale, l’éthique s’en mêlent ? OGM es-tu là ? interroge t’on les yeux bandés. Ils sont là, déjà dans nos assiettes, iront-ils jusque dans nos galeries égorger nos fils et nos compagnes ? Cela dépend de nous, de vous, de l’art aussi pour autant que ce mot ait un sens.

Claude Gudin

Photos : Théâtre du Centaure, Raymond Galle, Jean-Michel Bruyère.
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